Cette fois il en était sûr, ça se rapprochait. Il n'avait d'abord ressenti qu'une vague gêne, un trouble léger, juste à la périphérie de son inconscient, comme si un esprit avait cherché à entrer en contact avec lui. Mais ce n'était pas ça, non, il y avait un je ne sais quoi de menaçant dans cette présence qui se rapprochait de minute en minute. Il y avait plusieurs entités, quatre ou cinq au moins. Des fous probablement, ou des inconscients. Personne ne ce serait rapproché de lui ainsi, sans prendre de précautions. Tout le monde connaissait sa force, il en avait fait déjà la démonstration à de nombreuses reprises, et à chaque fois de manière retentissante.
Il ouvrit lentement les yeux, s'extirpant de son sommeil, jeta un regard nonchalant sur l'espace environnant. Rien encore. Les créatures n'étaient pas encore là. Bien que son esprit soit déjà clair, ses muscles étaient encore ankylosés et il s'étira de tout son long afin de s'assouplir en vue du combat qui s'annonçait. Ce serait court sans doute, mais il ne tenait pas à déchoir. Il était un grand guerrier, un maître dans son domaine, sa réputation était établie depuis longtemps déjà. Il trottina brièvement afin de se remettre en condition, fit jouer ses muscles sous les écailles de son armure, puis, satisfait de son inspection, il se mît en position. Il était fin prêt.
Bien campé face à l'entrée de la caverne – celle par laquelle les créatures allaient arriver – il attendît patiemment. Il sentait ses ennemis tout proches. La porte s'ouvrit tout doucement, sans un bruit, précautionneusement repoussée du bout du pied par un être difforme. Il n'avait jamais vu de telles créatures auparavant, si laides, si dissemblables. Il y avait deux bipèdes recouverts de plaques de métal, deux êtres plus petits, grotesques, l'un recouvert de métal, l'autre engoncé dans une robe en tissu et enfin une silhouette élancée, charbonneuse.
Debout sur le seuil de la porte, les bipèdes semblaient hésiter à entrer. Ils devaient comprendre l'étendue de leur erreur à présent, mais il prît un malin plaisir à garder les paupières mi-closes pour qu'ils le croient toujours endormi. Il pouvait sentir leur appréhension, s'en délectait, prenait un malin plaisir à humer leurs effluves qui, mieux qu'un long discours, lui révélait leurs pensées. Seul la créature la plus trapue semblait résolue et, contrairement à ses camarades ne manifestait aucune crainte. Fouillant dans ses souvenirs, il se rappela les lointains conseils de sa mère, qu'il avait quitté il y a fort longtemps pour rejoindre ce nouveau continent. Elle l'avait déjà mise en garde contre ces créatures si petites, si laides, mais si hargneuses.
Un frémissement parcourut le groupe de bipèdes et il sut qu'ils allaient charger. Le petit être difforme et couvert de métal s'élança le premier en hurlant, rapidement imité par ses semblables qui s'égayèrent dans la caverne, se jetant sur ses biens. « Alors c'est pour ça qu'ils sont venus ? Pour voler mon or ? » Il ressentît un profond dégoût pour ces créatures. Ainsi, ils n'allaient même pas se battre ? Seule la petite chose de métal allait mourir pour permettre aux autres de lui voler son bien ? Que s'imaginaient-ils ? Que l'on pouvait s'en prendre à un dieu sans subir son courroux ?
Poussant un rugissement qui fît trembler les parois de granit, il se laissa submerger par la colère, sentît un flot acide affluer dans sa gorge et, se laissant guider par un instinct millénaire, ouvrît grand la gueule et noya la grotesque chose de métal sous son souffle corrosif. Il déploya ses ailes et s'élança sur la créature qui, étonnamment était toujours en vie. Quetzatxachtli le grand ver entamait, bien qu'il l'ignorât, son dernier combat.
La lutte avait été longue, âpre, Quetzatxachtli avait vendu chèrement sa vie, mais ces vermisseaux étaient plus dangereux qu'ils n'en avaient l'air au premier abord. Sa vie s'écoulait par plusieurs dizaines de plaies béantes. Ses membres ne le portaient plus et même lever son cou était un supplice. Son souffle rauque allait s'affaiblissant. Un des bipède s'approcha, l'arme à la main. Il le foudroya du regard, mais il était trop faible, il fût incapable de lui envoyer le moindre sort ou d'esquisser le moindre geste dans sa direction.
- "Tranche-lui le col Seamus ! Sa tête te revient !", hurla le petit tas de métal difforme.
Le bipède s'approcha encore et leva son arme au-dessus de sa tête. Quetzatxachtli exhala un profond soupir et ferma les yeux pour la dernière fois. Dans un instant, s'en serait fini, ce sacrilège allait profaner sa dépouille et exhiber partout sa tête, comme un vulgaire trophée ! Il ne voulait pas voir ça. Il entendît l'air vrombir, sentît le souffle d'air déplacé par la lame, puis, enfin, ce fût le silence.
Sujet: Dieu est mort ? 
Lun 5 Nov - 22:21
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.. il va redoubler de puissance la bestiole 
