Dans un bruit de soufflet de forge, le grand ver prît son envol. Il ne s’était plus autant diverti depuis longtemps, si longtemps… Il avait cessé de compter les années, les siècles même…
Ces chétifs humains étaient très distrayant. Si sûrs de leur force, persuadés que leur volonté était capable de tout surmonter.
Il ne lui avait fallu qu’un battement d’ailes pour parvenir jusqu’à leur pathétique assemblage de pierres qu’ils appellent village. Tout avait été très vite, presque trop vite, il n’avait pas eu le temps de savourer chaque instant de la dévastation comme il l’aurait voulu. Ils étaient si faibles ces vermisseaux qui s’agitaient en tous sens !
En moins de temps qu’il n’en faut pour le dire, la ville était livrée aux flammes. La population avait à peine esquissé une défense digne de ce nom, les gardes s’étaient débandés au premier coup de griffes. Le massacre des civils n’avait été alors qu’une formalité.
Une formalité à peine interrompue par l’intervention de quelques uns des « héros de Fort Espérance ». Quelle plaisanterie ! Il avait à peine ressenti leurs attaques, les laissant même frapper et frapper encore avant de mettre fin à leurs vains espoirs. Il avait exulté en voyant tous ces braves s’en aller la queue entre les jambes.
Il y avait bien eu ce mage qui pendant de longues minutes s'était acharné à déverser des torrents de magie sur ses écailles. Ces homoncules étaient vraiment du dernier ridicule avec leurs grands airs ! Il l'avait laissé s'échauffer le sang en pure perte avant de le renvoyer à ses pénates.
Une fois cette formalité expédiée et ne trouvant plus personne à tuer, il était reparti vers son nid.
Prenant les courants ascendants, le grand ver jeta un dernier regard vers l’épais nuage de fumée qui s’élevait des décombres. Il avait administré une bonne leçon d’humilité à ces intrus. Satisfait de son œuvre, il se laissa couler dans l’air frais du soir naissant.
Il n’avait pas tout rasé non, ni tout tué. A quoi bon ? Il reviendrait. Il n’avait plus ressenti de telles sensations depuis ces jeunes années, il aurait été stupide de se priver d’une telle joie. Oui, il reviendrait, mais il leurs laisserait le temps de reconstruire, de se préparer, de se croire prêt à parer son retour. Et alors, alors, il ruinerait leurs espoirs, à nouveau et il recommencerait encore et encore, jusqu’à ce qu’ils finissent par le lasser et qu’il mette fin définitivement à leurs existences. Jouer avec les rêves des mortels était si grisant, pour un peu il aurait presque repris goût à la vie au grand air…