La nuit s'était enfin installée sur les montagnes, il allait pouvoir se mettre en chasse. Cela faisait maintenant plusieurs semaines qu'il arpentait ces contrées inhospitalières en quête de ce fameux big foot.
S'il n'avait vu de lui-même le pied de la légendaire créature à Fort Espérance, il aurait depuis longtemps laissé le doute s'installer dans son coeur.
Combien de fois avait-il cru approcher du but pour finalement tomber sur des ours ou des sangliers ? Il avait arrêté de compter il y a longtemps déjà.
Il pesta contre le vent coulis qui s'insinuait sous les pans de ses vêtements pour le glacer jusqu'aux os, rajusta le col de son manteau et affermit sa prise sur son arme.
Il sortît prudemment de son abri, il ne voulait surtout pas éveiller l'attention des géants tout proches. Ces créatures belliqueuses semblaient avoir un sens aigu de la propriété, et nulle doute que s'ils le trouvaient ici, ils lui feraient rapidement regretter son imprudence. Depuis bientôt trois jours, il s'abstenait de faire du feu afin de ne pas révéler sa présence.
Après quelques instants passés immobile, le temps pour ses yeux de s'habituer à la lumière lunaire, et Seamus embrassa du regard le paysage environnant. La crête des montagnes se découpait nettement sur le ciel étoilé et, de là où il se tenait, il pouvait voir presque toute la vallée.
Il distinguait les formes des géants quadrillant les parages.
Quelqu'un avait dû les prévenir de sa présence. Le trappeur Jérémiah Johnson peut-être ? Cet homme, vivant dans la montagne depuis si longtemps, semblait vivre en bonne intelligence avec ces monstres qui l'ignoraient la plupart du temps. Seamus avait eu la naïveté de se dévoiler à cet homme et de lui demander des informations sur le big foot.
Ce traître avait dû aussitôt avertir les géants de sa présence. La chasse allait s'en trouver compliquée.
"Pas question de renoncer." grinça-t'il entre ses dents.
Il se faufila aussi discrètement que le lui permettait ses membres courbaturés. Aucun géant ne le remarqua et il pût commencer ses recherches. Jérémaih lui avait dit que le big foot traînait souvent autour du lac de montagne à la nuit tombée.
Seamus connaissait bien les lieux, il s'y était déjà rendu pour y cueillir de l'herbe de lune, et c'est sans hésiter qu'il prît la direction du lac.
Alors qu'il commençait à gravir le versant opposé de la vallée, un grand cliquetis d'armes, accompagné de cris gutturaux le jeta au sol. Aplati sur le sol, Seamus risqua un oeil hors du buisson lui servant de cachette.
Il découvrît alors une véritable bataille opposant les géants à un fort parti de nains Kotaroks.
La vue de ce spectacle tira un sourire à Seamus : "qu'ils se massacrent à l'envie ces imbéciles, cela va me faciliter la tâche". S'extrayant du couvert, il reprît sa marche sans plus accorder un regard au combat.
C'est seulement en se relevant qu'il remarqua les traces de pas gigantesques qui passaient à proximité. Il les examina attentivement et fût sûr d'avoir enfin trouvé ce qu'il cherchait : des traces semblables à celles d'un grand orc.
Seamus se releva au comble de l'exitation. enfin ! Il le tenait !
Il prît un instant pour calmer les battements de son coeur, qui cognait dans sa poitrine comme un tambour de guerre croc noir. Puis, il suivît la piste sans difficulté, les traces étaient fraiches.
Enfin, il le vît. Grand comme deux géants, armé d'une massue monstrueuse, avançant pesamment. Après une brève inspiration, Seamus s'élança sur lui en hurlant. La créature, surprise ne fît aucun geste pour se défendre, et le cimeterre de Seamus rentra profondemment dans la chair du mollet. Sans lui laisser le temps de se reprendre, Seamus lui asséna un nouveau coup, cherchant à mettre l'animal à genoux.
Mais le big foot semblait plus résistant qu'attendu et il ne fléchît nullement suite à cette deuxième blessure. Au contraire, il entreprît de se camper sur ces deux pied et envoya un coup magistral dans le bouclier de Seamus qui fût repoussé à plusieurs mètres de là.
Abassourdi, reprenant péniblement ses esprits, Seamus chercha du regard la créature. Il ne savait plus où il était. Il lui fallu une minute pour totalement recouvrer ses moyens.
Le big foot était toujours là, il frappait à bras raccourcis sur un guerrier Kotarok, sorti d'on ne sait où. Probablement un fuyard du combat de la vallée, où bien un guerrier attiré par les cris du big foot.
Seamus se lança à nouveau dans la lutte, tranchant dans les chairs du monstre avec frénésie. Le nain ne tarda pas à succomber sous les coups de boutoirs et Seamus se retrouva seul à combattre.
Heureusement, l'animal, blessé en de nombreux endroits, essouflé par les efforts fournis, tomba à genoux, sa jambe droite ne le portant plus. Seamus mît aussitôt à profit ce geste pour trancher d'un geste vif la gorge du big foot.
Libérant un flot de sang noirâtre, la créature expira dans un râle.
Seamus, harassé, lâcha ses armes et se laissa glisser contre un tronc. "je l'ai fait, j'ai tué cette créature...". Il était encore sous le choc. Le combat avait été long et acharné, et un nain avait laissé sa vie dans l'affaire.
Seamus adressa une prière à l'esprit de ce nain qui resterait à jamais anonyme et qui était mort en combattant à ses côtés. Il n'aurait pas le temps de l'enterrer. Le bruit du combat dans la vallée s'éloignait déjà et Seamus ne tenait pas à en connaître les vainqueurs.
Finalement, il lui restait peut-être le plus dûr à faire : retourner à Fort Espérance. Il pourrait y goûter, enfin, à un repos bien mérité, autour d'une chope de bière et d'un bon repas. Il y retrouverait quelques amis dont il avait négligé la compagnie ces derniers temps et qui lui avait manqué.
Oui, c'est ce qu'il ferait. Aussitôt qu'il aurait rejoint des parages plus civilisés que ces sauvages et pourtant si belles montagnes.